Le caractère madawaskayen

Tiré de l'abbé Thomas Albert, Histoire du Madawaska, Québec, Imprimerie Franciscaine Missionnaire, 1920, p.45-47.

Le peuple du Madawaska est d'origine bretonne et normande à la fois, acadienne et canadienne. La plupart des familles acadiennes qui vinrent s'y établir étaient venues de l'ouest de la France, du Poitou, de la Saintonge, mais principalement de la Bretagne, tandis que les familles canadiennes viennent surtout de la Normandie, de la Picardie, du Maine, de l'Isle-de-France et des autres provinces du nord.

Ces familles transportèrent sur les bords de la Baie-Française et les rives du Saint-Laurent, les mœurs et les coutumes, les arts et les industries, de leurs provinces respectives. La diversité de caractère, de talents et d'aptitude, déjà existante, va s'accentuer davantage en Amérique par l'isolement où les deux groupe vont se trouver l'un de l'autre, par une organisation politique et une administration tout à fait différentes, par la diversité des lieux et des occupations.

Mais au Madawaska, où les deux éléments se trouveront réunis, mêlés dans une proportion numérique à peu près égale, pendant plus d'un siècle, la différence originelle s'atténuera par un contact constant, par l'alliance des familles, par un genre de vie et des besoins communs, pour se fondre en une riche nature qui tiendra des deux, et constituera le vrai type madawaskayen, breton et normand à la fois, entêté et roublard, honnête et gai, actif et intelligent, généreux et plein d'initiative, hospitalier mais impénétrable, particulariste sans exclusion, qui par suite de sa longue séparation, à son tour, des groupes acadiens et canadiens dont il a tiré son origine, nourrit pour eux une égale et sympathique indifférence.

Également oublié, en retour, des Acadiens authentiques et un peu intransigeants sur les alliances de familles et les noms, négligé par les Canadiens qui prenaient pour de l'hostilité sa froideur et son indifférence pour tout ce qui leur est cher, ce groupe a grandi dans une atmosphère particulière et propre, a appris à se suffire à lui-même, à ne pas souffrir de son isolement social, et, jusqu'à nos jours, n'a fait aucune tentative sérieuse de rapprochement.

Forcé de décliner sa nationalité particulière, le Madawaskayen répondra ce qu'un bon vieil habitant de Saint-Basile répondait à un Français de France, aimable et poli, mais à son gré trop inquisiteur : « Je suis citoyen du Madawaska, » […]

[…]

Le Madawaskayen a des tendances plutôt franco-américaines que purement acadiennes ou canadiennes, et cela, peut-être, à cause du voisinage des États-Unis et du fait que la plus grande partie de la population vit, depuis plusieurs années, sous le drapeau étoilé.