Le Madawaska et la renaissance acadienne Tiré de Georges Sirois, « La participation des Madawaskayens aux Conventions Nationales (1880-1908) », La Société Historique Acadienne, Moncton, avril, mai, juin 1974, 43e cahier, vol. 5, n°3, p.122-125. Dauphin de la grande démonstration nationale de Québec, la convention de Memramcook constitue un point tournant dans l'histoire d'Acadie. En effet, elle constitue un réveil patriotique qui ne s'était pas manifesté depuis plus d'un siècle. Aucun représentant madawaskayen fut convié à la réunion de l'exécutif du 10 mai, à Shédiac. La convocation avait pour but de jeter les bases de l'organisation d'une convention et on décida dès lors que le congrès aurait lieu les 20 et 21 juillet au collège Saint-Joseph. Malgré l'absence de personnalités du nord-ouest, trois Brayons furent nommés sur diverses commissions. Celle portant sur le choix et l'adoption d'une fête nationale sera représentée par le Père Jos Pelletier de Saint-Hilaire ; celle de l'agriculture par Mathias Nadeau également de la dite paroisse et celle de la colonisation-émigration par le curé D'Amour d'Edmundston. La convention s'est ouverte par un temps superbe. Dès le début de la séance, une bonne partie des délégués faisaient preuve d'énergie et de caractère en voulant se distinguer des Canadiens français sur la question d'une fête nationale. Cette résistance à l'intégration, héritée de nos aïeux, permettait à l'Acadien des provinces Maritimes de se forger une nation distincte de nos compatriotes du Québec. Tout d'abord, on proposa que tous les représentants de l'Église catholique présents à la convention puissent participer au scrutin à propos du choix d'un saint patron. Ensuite vinrent les discours de l'abbé Stanislas-J. Doucet de Poquemouche et du curé Marcel-François Richard de Saint-Louis qui favorisaient l'Assomption comme patronne d'Acadie. Le recteur de Saint-Joseph, le R. P. Bourgeois appuie, pour sa part, la fête de la Saint-Jean-Baptiste et s'oppose au 15 août puisque cette date tombe durant la coupe des foins. Il y a lieu de croire que les ecclésiastiques du Madawaska préféraient la fête de Sainte-Anne. Une affaire peut-être de sentiments religieux. Mais aussi, il existait depuis plusieurs années (1875) dans le comté une coutume consacrée de fêter la mère de la Vierge Marie. La venue de colons canadiens-français dans le nord-ouest de la province avait aussi aidé à l'enracinement précaire de la Saint-Jean à Edmundston. Après discussions, on laissa tomber la fête de Sainte-Anne puisqu'elle était considérée patronne des Amérindiens du Canada pour prendre la Saint-Jean comme cheval de bataille. Lors du vote sur cette question, l'Assomption fut choisie : douze contre quatre. Les deux représentants ecclésiastiques du Madawaska, les abbés D'Amour et Pelletier, avaient voté contre. [ ] Les conventions tenues à Miscouche (1884) et à Pointe-de-l'Église (1890) ne semblent guère intéresser la population brayonne qui n'envoya aucun représentant, et cela malgré l'importance de la première qui donna un drapeau ainsi qu'un hymme à la nation acadienne. Déjà les habitants du Madawaska semblent vouloir faire bande à part en se dissociant « poliment » d'une façon désintéressée aux choses patriotiques. La fête nationale n'a jamais été célébrée dans la région du nord-ouest car il n'y a plus de fierté, chez le colon, de se dire acadien. La délégation madawaskayenne au congrès d'Arichat (1900) joue beaucoup plus le rôle d'observateur et ce, malgré le fait que le député Fred Laforest fut membre de la commission sur la langue et l'éducation. [ ] Caraquet, la plus grande ville de Gloucester, accueillera une vingtaine de délégués du Madawaska. Cyprien Martin sembla très interessé par la question de l'émigration qui fait ses ravages chez les Brayons comme ailleurs en Acadie. Les représentants du nord-ouest furent heureux d'apprendre à la fin de la convention que la majorité des congressistes avaient choisi Saint-Basile pour leur prochain lieu de rencontre. Certains des participants avaient douté de l'opportunité du choix. Le but de la dernière convention (1908) était précisément de rallier les Acadiens du Madawaska aux autres groupements francophones. Sous la présidence du député Cyprien Martin, le congrès attira près de 5,000 Brayons à Saint-Basile. Malheureusement, le Madawaska, qui est le trait d'union entre l'Acadie et le Canada, avait donné naissance, grâce à son isolement, à une race d'hommes qui était devenue « exclusiviste pour tout ce qui n'était pas du pays (région) ». On était venu à Saint-Basile beaucoup plus par curiosité que pour renouveler une alliance fraternelle perdue en 1783. |