Province acadienne Tiré de Jean-Pierre Blanchard, L'Action nationale, vol. 67, n° 10, juin 1976, p. 789-791, 793-794. Oui, l'Acadie arrive à Ia croisée des chemins. Nous faisons face à Ia possibilité de l'indépendance du Québec, à Ia possibilité de l'union des provinces maritimes ; à tout le moins à Ia certitude de changements profonds à Ia structure de ce pays. Des idées, hier considérées farfelues, prennent lentement le chemin de Ia réalité (Gastien Godin : Les cahiers des États généraux). C'est un fait indéniabIe autant que déplorable que les Acadiens sont des étrangers dans leur propre maison. Bien qu'ils furent les premiers habitants dits blancs du Canada actuel, ils sont encore à Ia recherche d'un pays, d'un territoire ou d'une enclave qu'ils pourront à nouveau appeler l'Acadie. (Donatien Gaudet, Action nationale, novembre 1977). Du point de vue des Acadiens, Ia création d'une province s'inscrit en parfaite continuité avec nos revendications passées. Les luttes des générations qui nous ont précédés se sont orientées vers l'obtention d'une dualité des pouvoirs. La dualité en éducation est un objectif qui nous a demandé des années d'efforts, et malheureusement, elle n'est pas encore complètement atteinte. Et pendant tout ce temps-là, les Acadiens souffraient d'injustice dans divers secteurs : santé, agriculture, pêche, etc. Le Parti Acadien, s'inscrivant dans Ia continuité des luttes acadiennes passées et dans le contexte actuel de redéfinition du Canada, propose Ia dualité des pouvoirs au Nouveau-Brunswick, soit Ia création d'une province acadienne autonome avec son gouvernement (Dr Jean-Pierre Lanteigne, prés. du Parti Acadien). [ ] Avec Ia création d'une province acadienne, le mythe acadien du paradis perdu et de l'exilé, créé par l'épisode historique déchirant de 1755, l'expulsion et le génocide du peuple acadien et alimenté par Ia poésie de Longfellow et de son Évangéline, n'aurait plus de raison d'être. (Génocide : lorsqu'un peuple tente systématiquement de faire disparaître un autre peuple.) Les Acadiens deviendraient les vrais propriétaires d'un territoire, tout comme deux cents ans passés, avec les nombreux avantages et responsabilités que cela implique. Mais contrairement à l'époque coloniale, on aurait, et pour Ia première fois, un gouvernement acadien. Chaque homme acadien qui se trouverait dans cette nouvelle Acadie, aurait une nouvelle responsabilité sur les épaules, un pays à refaire. II faudrait qu'il s'en fasse une idée mentale, une certaine fierté, et puisqu'il participe au potentiel économique, culturel et politique de ce nouveau territoire-nation. C'est ce genre de dynamisme, de fierté et de responsabilité que les partisans d'une province acadienne veulent promouvoir. II est primordial que nous devenions plus politisés, donc plus responsables et que nous bâtissions des structures politiques démocratiques solides pour mieux faire face aux assauts répétés de toutes les autres cultures, sociétés, media d'information, multinationales et mentalités anglo-saxonnes qui nous entourent. Un pays nouveau Pour le besoin de Ia cause, on peut s'imaginer ce pays nouveau, un pays acadien, avec des frontières délimitées, un gouvernement centralisé ou décentralisé, sous forme peut-être de province au sein de Ia confédération canadienne, ou de province autonome avec statut spécial au sein d'un État du Québec, séparé du Canada. Économiquement parlant, ce serait Ia fin d'une économie coloniale où toutes nos matières premières sont expédiées à I'extérieur, sans jamais rien produire, fabriquer ou transformer ici. Ce serait un pays, où idéalement, les secteurs secondaires (manufactures, usines à poissons, produits finis) et tertiaires (services, administrations, gouvernement, secteurs publics et parapublics), seraient autant développés que le secteur primaire (produits bruts non finis). Ce pays, ou province acadienne, serait un des grands centres internationaux des pêcheries, et reconnu également pour ses nombreuses autres richesses naturelles, pour sa culture, ses paysages pittoresques et sa poésie. [ ] Un territoire acadien ne nous amène pas nécessairement Ia tranquillité et les périodes de paix idylliques du pays des ancêtres. La création d'une province acadienne ne règle pas pour autant tous les conflits internes qui existent à l'intérieur de l'Acadie, tout comme n'importe où ailleurs en Amérique du Nord. Mais tous ceux qui ne croient plus au Nouveau-Brunswick sont d'accord sur un point : Frédéricton n'est pas le centre de l'Acadie et nous réglerions beaucoup mieux ces conflits internes si nous pouvions donner des réponses acadiennes à Ia plupart de nos problèmes acadiens. En d'autres mots : nous voulons tous les pouvoirs qui influencent notre avenir collectif. La Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick fait un travail soutenu en ce sens, même si elle n'est pas officiellement en faveur d'une province acadienne. Le Parti Acadien, avec son projet national et sa philosophie politique de style réformiste, s'apparentant beaucoup à celle du Parti Québécois, est certes à l'avant-garde des revendications politiques acadiennes. Le Parti Acadien veut, pour les Acadiens, la totalité des pouvoirs, dans une entité politique constitutionnellement reconnue, Ia province acadienne. |