Dames protestantes et catholiques
font la charité ensemble
Notre Père a établi
une association de Dames de Charité ; nous ne nous en
mêlons pas plus que si elle n'existait pas. Mme Aumond
est supérieure, Mme Bareille assistante, et Mme Massé
trésorière. Toutes les Dames canadiennes se rassembleront
vendredi prochain, jour du Sacré-Cœur pour que notre Père
leur explique ce que c'est que cette association. Les Dames sont partout
des dames, vous pouvez penser qu'il en coûte à notre
Père de la peine et fatigue, mais il a le don de notre Père
Supérieur, il se fait aimer et respecter des dames,
il finit par tout obtenir. Les Dames protestantes veulent bien contribuer
entr'elles à nous faire passer des aumônes, mais elles
ne veulent pas se mêler avec toutes les Dames canadiennes, elles
sont trop grandes dames.
[...]
Les Dames se sont assemblées
jeudi dernier et hier au soir, pour l'association de Charité.
Les Dames protestantes se sont jointes aux Canadiennes malgré
l'opposition de certaines petites Dames. Le P. Dandurand parlait
anglais aux Dames protestantes. Il leur contait des histoires et leur
parlait d'une manière gaie en sorte que les Dames avaient beaucoup
de plaisir, et les Canadiennes, pour avoir eu le R.P. Telmon
n'y ont rien perdu de ce côté-là, de sorte que
les choses ont très bien été ; il y a une
présidente et une trésorière parmi les Dames
protestantes mais tout doit revenir entre les mains des principales
présidente et trésorière Mesdames Aumond et Massé.
Toutes les rues et quartiers
de la ville sont divisés entre les Dames. Dans la Haute Ville
une Dame protestante avec une catholique pour faire la quête
tous les mois ; les Dames catholiques feront la visite des malades,
s'informeront de la conduite des pauvres pour savoir s'ils méritent
d'être assistés ou non, et elles feront la quête
dans les quartiers qui leur sont assignés. Les Dames protestantes
ont demandé d'être exemptées de visiter les malades,
ce qui leur a été accordé sans peine, pourvu
que nous ayons leurs aumônes. C'est la dame d'un avocat qui
est présidente parmi les protestantes.
Il y a une maison proche
du couvent appartenant à un sellier qui n'a qu'un enfant,
là sera le dépôt des hardes que les Dames ramasseront.
Les couturières se rassembleront dans cette maison pour coudre
les hardes des pauvres sous la direction des Sœurs ; il y a une
présidente parmi les couturières pour les rassembler
quand il en sera temps et les faire travailler sous la direction des
Sœurs. L'argent des quêtes sera remis aux Sœurs par la première
trésorière pour être employé comme nous
le jugerons à propos. Les femmes qui ne peuvent nous donner
de l'argent pour aumône nous ont offert leurs services pour
l'hôpital ; plusieurs sont venues veiller les malades,
ce qui nous rend beaucoup service, d'autres nous ont demandé
de la couture. J'ai donné tous les morceaux d'indienne que
nous avions pour en faire des couvre-pieds pour l'hôpital. À
propos de couvre-pieds, je me recommande aux charités de nos
chères Sœurs pour des morceaux d'indienne, quand ce serait
du vieux c'est tout de même ; nous n'avons que des couvertes
blanches pour couvrir les lits...
Tiré d'une lettre
d'Élisabeth Bruyère, datée 1845, dans Jeanne
d'Arc Lortie, Lettres d'Élisabeth Bruyère, vol. i,
Montréal, Éditions Paulines, 1989, p. 152, 154-155.