Une truie, une pioche et un soc Proclamation faite par M. de la Galissonnière, le 24 mai 1749, et publiée à son de tambour dans toutes les paroisses du Canada. Chaque homme qui s'établira au Détroit recevra gratuitement une pioche, une hache, un soc de charrue, une grosse et une petite tarière. On leur fera l'avance des autres outils, pour être payés dans deux ans seulement ; il leur sera délivré une vache, qu'ils rendront sur le croît. De même une truie ; on leur avancera la semence de la première année, à rendre à la troisième récolte. Seront privés des libéralités du roi ceux qui, au lieu de cultiver, se livreront à la traite. Cette proclamation fut renouvelée par M. de la Jonquière, le 2 janvier 1750, avec ces variantes : l'on n'admettait que des habitants terriens et de bonnes moeurs ; les fournitures gratuites étaient accrues d'un fusil, d'une faux et d'une faucille, d'une truie, de six poules, un coq, six livres de poudre et douze de plomb. L'émigrant devait être nourri avec sa famille pendant dix-huit mois ; on lui avançait une vache et un boeuf. Enfin on promettait d'entretenir à Détroit, aux frais du roi, un charpentier qui aidât et dirigeât les habitants dans la construction de leurs maisons, et on ne devait payer le cens des terres que trois ans après la prise de possession. On y envoya ainsi, en 1749, 46 personnes, tant hommes que femmes et enfants ; puis, en 1750, 12 familles, composées de 57 personnes, y passèrent avec M. de Celoron ; en 1751 nous savons qu'il fut accordé 17 concessions de terre, et 23 autres en 1752. Il y avait à la même époque 25 soldats congédiés établis dans le pays ; mais un rapport de cette dernière année nous apprend qu'« il ne sera pas possible d'y envoyer de nouvelles familles l'année suivante, à cause de l'état fâcheux des approvisionnements ». Une lettre de M. de Vaudreuil, du 30 octobre 1753, contient le passage suivant : « Vous êtes informé sans doute, monseigneur, de l'excellence des terres du Détroit, ce poste est considérable, il est bien peuplé, mais pourrait aisément y contenir trois fois plus de familles. Le malheur est que nous n'avons point assez de monde dans la colonie. Je prendrai des arrangements pour y favoriser l`établissement de deux soeurs de la congrégation, pour l'éducation des enfants, sans qu'il en coûte un sou au roi. » Un fait assez remarquable, signalé dans le rapport de 1750, c'est qu'on ne peut engager pour Détroit que des habitants du gouvernement de Montréal, les autres ne veulent point sortir ; notons en passant que ceci nous montre combien et comment diminuaient progressivement au Canada, surtout dans le bas du fleuve, les habitudes des voyages de l'ouest et de la recherche des pelleteries. Nous supposons, à défaut de documents contraires, qu'à partir de 1753 les envois de colons cessèrent, sinon complètement ou du moins n'eurent plus aucune régularité, surtout à partir de l'ouverture des hostilités. Néanmoins il paraît que déjà un courant naturel et spontané d'émigrants avait commencé à s'établir, et continua plus ou moins en dépit des circonstances, car lors de la prise de Détroit par les Anglais, en 1760, la population s'y trouve notablement augmentée sur 1752. En effet on y comptait, le 1er octobre 1751, 150 hommes de 15 à 60 ans, ce qui ne doit pas supposer plus de 600 âmes dans une telle colonie, et en 1760 il y avait plus de 1,000 habitants. Tiré de Edmé Rameau, La France aux colonies : études sur le développement de la race française hors de l'Europe. Les Français en Amérique. Acadiens et Canadiens, Paris, A. Jouby, Libraire-éditeur,1859, p. 301-302. 1749 - Proclamation en vue d'encourager l'établissement de colons à Détroit |