La nourriture métisse

Tiré de Diane Payment, « Les gens libres - Otipemisiwak », Batoche, Saskatchewan, 1870-1930, Ottawa, Lieux et parcs historiques nationaux, Service des parcs, 1990, p.51-53.

Le gras du bison appelé « graisse de moëlle » remplace le beurre et la graisse dans la préparation des aliments. Lorsque la viande manque, on a recours au poisson, préférablement rôti car, semble-t-il, les Métis n’apprécient guère le poisson bouilli, « cette méchante marmelade ». On mange aussi de la soupe à l’orge et même aux choux-gras (chou sauvage) pendant les jours maigres.

On retrouve une nourriture plus variée et plus de plats traditionnels dans les centres d’habitation permanents. À la Rivière-Rouge, durant les années 1850 et 1860, et à la colonie de Saint-Laurent, en Saskatchewan, par la suite, les mets reflètent les origines canadiennes et amérindiennes. La viande demeure le plat préféré mais on a désormais plus de variété. Suite à la disparition du bison, la viande « dite sauvage » le remplace, entre autres, le chevreuil, l’ours, les poules de prairie, le faisan et le canard. On y mange aussi des jackrabbits (lièvres) et moins souvent, surtout les jours maigres, du poisson (e.g. le doré et l’esturgeon) « boucanné ». Ceux qui élèvent des animaux domestiques font boucherie à l’automne. On consomme le porc en boudin, en saucisses, en tête de fromage ; l’hiver, on mange du lard salé et du boeuf (principalement haché et en ragoût). Au dégel du printemps, la viande qui reste est coupée en languette et séchée sur des « raques » en bois. Le poulet ou autre volaille est farci et cuit au four aux grandes occasions et le dimanche au tournant du siècle. C’est un mets apprécié, « un vrai régal », mais relativement rare, les moins fortunés gardant plutôt des pondeuses. Viennent s’ajouter une variété d’autres aliments, la plupart d’origine canadienne. Une recherche comparative (sources documentaires et orales) sur les mets traditionnels canadiens et la nourriture métisse révèle beaucoup de similarité entre les deux.

Tourtières ou pâtés de viande : une préparation de viande hachée, recouverte d’une pâte à tarte.

Boulettes de boeuf et de porc haché : les boulettes sont bouillies dans une sauce de farine brunie, ou roulées dans une pâte et frites. Ces boulettes ou avrignoles sont un mets principal du temps des fêtes.

Cretons ou « courtons » : une viande de porc hachée très fin, additionnée de graisse (suif).

Parmi les mets plus typiquement métis :

Rababou : une espèce de fricassée de volaille, de chevreuil ou de boeuf.

Taureau ou pemmican : une variante du mets traditionnel où le bison est remplacé par le boeuf ou le chevreuil. La viande est « pilée » et additionnée de graisse et de fruits séchés (saskatoons, gadelles ou raisins).

Feuillet (fayet) et la panse : respectivement troisième et premier estomacs du bison et autres ruminants, qu’on mange bouillis et assaisonnés.

Flan : lait de la deuxième traite d’une vache qui vient d’avoir un veau, cuit au four.

Glissantes : Cuillerées de pâte (dumplings) cuites dans le bouillon d’une volaille ou autre viande.

« Poutine glissante » : pâté épaisse, coupée par carrés et bouillie dans l’eau, qu’on sert avec de la mélasse ou du sirop. On peut verser cette pâte sur une compote de fruits frais ou secs et cuire au four. Ce régal se mange avec « de la belle grosse crème fraîche ».

On fait aussi mention des beignes croches ou tressés, une variété de beignes que l’on prépare encore à Batoche et dans les environs. Un dessert semblable, les croquignoles, se mangeait au Québec à la fin du XIXe siècle.