Un Acadien de coeur Tiré d'Onésiphore Turgeon, Un tribut à la race acadienne : Mémoires, 1871-1927, Montréal, G. Ducharme, 1928, p. 2-3. Pendant mes dernières années d'études au Séminaire de Québec je souffrais d'une dyspepsie alarmante. [..] Finalement, je consultai le célèbre Dr Landry, père de feu le Sénateur Philippe Landry, qui était un de mes compagnons et amis du Séminaire. Le Dr Landry était alors professeur de médecine à I'Université Laval et un des principaux membres du Bureau d'administration de cette haute institution. Finalement il me conseilla de faire un voyage à la Baie des Chaleurs, de vivre sur les côtes de Gaspé et de Bonaventure le reste de l'été, de mettre de côté, pour le moment, toute idée d'étude, me donnant en même temps le conseil d'étudier moi-même mon estomac, devant faire moi-même le choix de la nourriture qu'il pouvait supporter. Je devais être mon propre médecin. Ce fut vite fait. Quelques jours plus tard, j'entrais, sur un magnifique bâtiment à voiles, dans le superbe Bassin de Gaspé, qui excita mon admiration. [..] Je voyageai sur toute la côte jusqu'à Carleton, comté de Bonaventure. De là je décidai de traverser la Baie des Chaleurs et je débarquai à Charlo, comté de Restigouche, où j'avais des amis et des parents de Lévis qui étaient entrepreneurs de la construction de cette section du chemin de fer Intercolonial, de Dalhousie à Bathurst, en compagnie avec MM. Bertrand et Berlinguet. Je passai le reste de la vacance à cet endroit, où il y avait comme aujourd'hui un gros noyau d'Acadiens au milieu d'une population anglaise et écossaise. Je fis connaissance avec des gens de Bathurst, entr'autres un M. James McGinley, alors comptable pour la Compagnie de construction de cette division de l'Intercolonial. Ce monsieur aiguisa ma curiosité et je fis une promenade sur la côte de la Baie des Chaleurs, arrêtant à Belledune, Petit-Rocher et Bathurst.
Ce voyage me causa beaucoup de plaisir. J'avais déjà fait connaissance avec la population acadienne de Charlo, qui était la paroisse catholique de cette division. J'avais déjà fait la connaissance des familles Poirier, Landry, Doucet, Arsenault et autres, et j'avais pu apprécier beaucoup de leurs qualités. Dans ces voyages un homme fait des rencontres, qui dans le moment lui semblent un simple incident, mais qui plus tard se dévoilent une rencontre pour ainsi dire providentielle. [..] Je fis la connaissance de la famille Hilarion Haché, un des principaux marchands de Bathurst, la première famille acadienne de Gloucester avec laquelle j'eus l'honneur et l'avantage de venir en contact, présenté à la porte de l'église. J'éprouvai une agréable surprise de rencontrer son jeune fils Charles, qui était un élève au séminaire de Québec, charmant jeune homme qui se préparait décidément pour la vie ecclésiastique. [..] dans les derniers jours d'août, je prenais le bateau à Dalhousie pour retourner à Québec déjà à peu près décidé, religieux ou laïque, de venir m'établir au milieu des Acadiens de cette région. Dès les premiers jours de septembre, j'entrais au Séminaire de Québec pour commencer mes études théologiques.
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