Un Hôpital, un refuge, un hospice (Français moderne) Nous sommes quarante-deux Français au milieu de toutes ces Nations infidèles ; dix-huit de notre Compagnie, le reste de personnes choisies, dont la plupart ont pris dessein de vivre et de mourir avec nous, nous assistant de leur travail et industrie avec un courage, une fidélité et une sainteté, qui sans doute n'a rien de la terre : aussi n'est-ce que de Dieu seul qu'ils attendent la récompense, s'estimant trop heureux de répandre et leurs sueurs et s'il est besoin tout leur sang, pour contribuer ce qu'ils pourront à la conversion des barbares. Ainsi je puis dire avec vérité que c'est une maison de Dieu et la porte du Ciel ; et c'est le sentiment de tous ceux qui y vivent, et qui y trouvent un Paradis en terre, où la Paix habite, la joie du Saint-Esprit, la charité et le zèle des âmes. Cette maison est un abord de tout le Pays, où les Chrétiens trouvent un Hôpital durant leurs maladies, un refuge au plus fort des alarmes et un hospice lorsqu'ils nous viennent visiter. Nous y avons compté depuis un an plus de trois mille personnes auxquelles on a donné le gîte, et quelquefois en quinze jours les six et les sept cents Chrétiens, et d'ordinaire trois repas à chacun, sans y comprendre un plus grand nombre qui sans cesse y passent tout le jour, auxquels on fait aussi la charité. En sorte que dans un pays étranger, nous y nourrissons ceux qui devraient nous y fournir eux-mêmes les nécessités de la vie. […] Il n'y a d'ordinaire que deux ou trois de nos Pères résidents en cette maison, tous les autres sont dissipés dans les Missions, qui sont maintenant dix en nombre : les unes plus arrêtées dans les bourgs principaux du pays, les autres plus errantes, un seul Père étant contraint de prendre le soin de dix et de douze bourgades, et quelques-uns allant plus loin, les quatre-vingts et les cent lieues, afin que toutes ces Nations soient éclairées en même temps des lumières de l'Évangile. Nous tâchons toutefois de nous rassembler tous, deux ou trois fois l'année, afin de rentrer en nous-mêmes et vaquer à Dieu seul dans le repos de l'Oraison, et ensuite de conférer des moyens et lumières que l'expérience et le Saint-Esprit va nous donnant de jour en jour, pour nous faciliter la conversion de tous ces peuples. Après quoi il faut au plus tôt retourner au travail et quitter les douceurs de la solitude pour aller chercher Dieu dans le salut des âmes. Tiré de Père Paul Ragueneau, « Relation de ce qui s'est passé en la mission des Pères de la Compagnie de Jésus aux Hurons, pays de la Nouvelle France, les années 1647 et 1648 », dans Relations des Jésuites, Québec, Augustin Côté, Éditeur-Imprimeur, 1858, p. 48-49. 1639 - Fondation de Sainte-Marie-des-Hurons |