Le Nord : bastion de la culture, suite L'histoire récente de l'activité culturelle à Hearst est aussi liée à l'évolution culturelle de la région du Nord. À la fin des années 1960, l'Ontario français a connu une forte poussée de régionalisation. Parmi ceux qui regimbaient contre « l'establishment » franco-ontarien dominé d'Ottawa et qui voulaient une action plus radicale en faveur de la culture française en Ontario, les jeunes du Nord étaient des plus contestataires. Plusieurs en vinrent à penser que le Nord était le bastion de la francophonie ontarienne et n'avait de leçon à recevoir de personne. L'ACFO crut plus prudent d'établir des régionales douées d'une large autonomie, mais les jeunes, surtout ceux du Nord, se séparèrent à cette époque de leur association, AJFO, qui était affiliée à l'ACFO, et fondèrent l'Association provinciale des mouvements de jeunesse franco-ontariens (APMJFO). Puis, peu à peu, la scène s'est vidée et la conscience régionale a perdu sa force. Les plus actifs des leaders du Nord semblent aujourd'hui animés d'un esprit différent. Ils comptent moins sur les organismes provinciaux et recherchent moins une solidarité culturelle dans l'ensemble du Nord. Ils s'attachent plutôt à réaliser des expériences qui répondent aux besoins immédiats du milieu, quitte à couvrir un champ limité. À leurs yeux, une seule réalisation concrète vaut plus pour affirmer le fait franco-ontarien que de multiples proclamations de grands principes. Le journal « Le Nord » à Hearst, la troupe Les Flammèches et le Centre La Ronde à Timmins, ou centre culturel Le 49e Parallèle à Hallébourg, illustrent tous cette volonté de réalisation au plan local. « Le Nord », pour citer cet exemple, au lieu de se lancer dans les croisades provinciales ou nationales franco-ontariennes, a préféré se mettre au service des intérêts immédiats de la communauté locale, en se concentrant sur des questions telles que la main d'oeuvre, les services de santé, la politique municipale. Ceci ne l'empêche pas de faire écho aux questions culturelles et artistiques qui font elles aussi partie de la vie locale. Le succès du journal semble indiquer qu'il a choisi une formule fructueuse. La radio et la télévision francophones atteignent le Nord par le système de ré-émetteurs de la Société Radio-Canada, à partir de CJBC (radio) et CBLFT (télévision) de Toronto. La région du Timiskaming est reliée à Montréal ou à Ottawa. Un poste de radio privé (CFCL), affilié à Radio-Canada, diffuse aussi une programmation française dans le nord-est ontarien et le nord-ouest québécois à partir de Timmins. En ce qui a trait à la presse écrite, l'hebdomadaire « Le Nord » couvre la région Longlac-Hearst-Kapuskasing-Moonbeam, tandis que « Le Voyageur » de Sudbury et « Le Droit » comptent aussi quelques abonnés dans le Nord. Protégé par l'isolement géographique et à juste titre fier de réalisations locales autour de foyers dynamiques comme le Collège de Hearst et La Pitoune au début des années 1970, ou le centre culturel La Ronde de Timmins, aujourd'hui, le Nord peut encore paraître le bastion de la francophonie ontarienne. Mais l'exode de ses jeunes vers Ottawa et les villes industrielles du Sud prive les communautés de forces de renouvellement. La dispersion sur un territoire immense et les publics réduits rendent difficiles les tournées artistiques propres à stimuler la vie culturelle locale. Le Nord ne saurait vivre replié sur lui-même et a besoin d'échanges avec d'autres régions pour enrichir et renforcer sa vie culturelle. Tiré de Pierre Savard, P. Beauchamp et P. Thompson, Cultiver sa différence. Rapport sur les arts dans la vie franco-ontarienne, Ottawa, Conseil des arts de l'Ontario, 1977, p. 83-85.
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