Histoire des écoles primaires et secondaires

Ces luttes pour des écoles primaires, bilingues ou françaises, s'inscrivent dans un long processus. Elles résultent d'abord de la volonté provinciale d'améliorer le système scolaire (meilleure surveillance des programmes, des enseignants, des manuels, et aussi démocratisation de la fréquentation scolaire). Mais elles dévoilent aussi l'affrontement qui, durant le premier demi-siècle de la Confédération, opposa deux grands courants idéologiques  : d'une part, le nationalisme canadien-français, revigoré par l'idéologie ultramontaine et diffusé par toute une élite cléricale, d'autre part l'idéologie impérialiste, soucieuse de maintenir des liens forts avec l'empire britannique et, pour le Canada, impatiente d'assurer la prééminence, de l'anglais. Ces deux intransigeances se heurtent, au détriment des minoritaires.

La première école ontarienne de langue française ouvre à l'Assomption du Détroit en 1786. Plusieurs autres suivront. Pendant un siècle, l'existence d'écoles françaises ne soulèvera du reste aucune difficulté particulière, l'ingérence du gouvernement restant en cette matière plutôt modeste. La loi ne favorise ni ne défavorise l'usage du français en classe, pas plus que l'anglais ou l'allemand. Ce sont les parents qui décident dans quelle langue les professeurs enseigneront à leurs enfants. En Ontario, des écoles « bilingues » se développent dans les régions à forte concentration de Canadiens  : dans les comtés d'Essex et de Kent au Sud-Ouest, dans les comtés de Russell, de Prescott et de Carleton à l'Est, dans les districts de Nipissing et d'Algoma dans le Nord. Ces écoles sont souvent publiques, établies par la majorité de langue française, et l'enseignement s'y donne parfois dans les deux langues. En 1882, il existe une soixantaine d'écoles bilingues dans RusselI et Prescott seulement.

Dans une lettre devenue célèbre en Ontario français, Egerton Ryerson affirmait en 1857 que « vu que le français est langue officielle en ce pays, à l'égal de l'anglais, il est absolument licite et légal que les syndics permettent l'enseignement des deux langues aux enfants qui fréquentent leurs écoles, conformément au désir des parents ». Dès 1869, deux ans après la création de la province de l'Ontario, le ministère de l'Éducation autorisait, pour usage dans les régions bilingues, neuf manuels de langue française, reconnaissance indirecte des écoles françaises. Mais une série de mesures adoptées après 1885 préparèrent la suppression de l'enseignement en français dans les écoles primaires. Enfin, en 1912, le Règlement XVII éliminait à toutes fins utiles l'enseignement en français. Le gouvernement ne restaurera les écoles bilingues qu'en 1927, après quinze années de luttes. Quant à la formation des enseignants du primaire, elle se fit au Québec, ou dans les écoles modèles, ou en anglais, ou pas du tout. L'Université d'Ottawa ouvrira la première école normale de langue française en 1923, en pleine période du Règlement XVII.

(La suite se trouve dans le document suivant.)

Tiré de Gaétan Gervais, « L'enseignement supérieur en Ontario français (1848-1965) », Revue du Nouvel-Ontario, n° 7, 1985, p. 15-16.

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