L'historique du Collège
L'incendie (deuxième partie)  
Les pertes humaines et matérielles
Les causes de l'incendie : enquêtes et mystère  
Les lendemains  
 
Photos de l'incendie  
Témoignages  

 


Rodolphe Bélanger

Je m'éveille tout à coup au son du timbre: c'est un son rageur, nerveux. "Déjà la cloche du réveil?" Je regarde à ma montre après avoir allumé ma lampe: juste deux heures et demie. On crie dans le corridor: vite sauvez-vous, le feu! Alors seulement je m'aperçois d'une forte odeur de fumée. Je me dis: "c'est peu grave, habillons-nous bien chaudement, car il fait un vent terrible et froid"; et je commence à m'habiller, aussi vite que possible, mais aussi complètement que d'habitude. J'avais mis mon patalon, mes bas, mes bottines, quand, relevant la tête, j'aperçois, entrant par les fentes de mon imposte, une fumée très épaisse et très noire qui toubillonnait en gros nuages. La peur me prend. Je grippe mon pardessus accroché derrière la porte, je l'endosse, je mets ma soutane sur mon bras gauche - la lumière s'éteint: obscurité complète - et j'ouvre la porte. Je faillis étouffer net. La fumée, chaude à me brûler le visage, s'engouffre dans ma chambre. Impossible, me dis-je, de me sauver par le corridor, tout brûle! Je referme et cours à ma fenêtre ... L'idée de sauter de là, si elle me vint, s'évanouit aussitôt et je n'eux plus qu'une pensée: c'est le corridor ou la mort! ... Me voilà dans le corridor. L'obscurité est impénétrable. J'étouffe! Je n'entends plus un bruit de voix et j'ai l'impression d'être chez le P. Villeneuve, la fenêtre est ouverte, je vois un peu de jour; j'allais enjamber, quand me descend sur la tête le plâtrage évidemment ébranlé par les piétinements des élèves du dortoir, au-dessus. Etourdi quelque peu, je reprends mon élan et me voilà sur la plate-forme métallique. Là, je ne vois plus rien, j'entends vaguement quelqu'un me dire: "c'est par là, Père", et je me trouve en bas. D'avoir empoigné le poteau de descente, c'est comme un rêve vague. En bas, je titube quelques minutes, l'air froid me remet, je me passe la main sur la tête, je sens une bosse et j'ai du sang en abondance. Le P. Villeneuve m'aperçoit; "bon dit-il, nous commencions à désespérer de vous."

Source : « Incendie du Collège de St-Boniface. » Nouvelles de la Province du Canada 2:5
(janvier 1923) : 7.

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