En allant se coucher le 25 novembre 1922, les pensionnaires et le personnel
du Collège ne pouvaient imaginer que ce devait être la dernière nuit
qu'ils passeraient dans ce magnifique édifice.
Vers 2 h 15, le père Onésime Lacouture
fut éveillé par une explosion qui semblait s'être produite tout près
de sa chambre, située au premier étage. Il entendit aussitôt un bruit
de vitres cassées et vit une lueur rougeâtre à sa porte. Il sortit de
sa chambre pour constater que le Collège était en feu! Il se précipita
au téléphone. Hélas! il n'avait pas ses lunettes pour voir les numéros!
Alors, il courut éveiller le portier, le père Lord, et lui dit d'aller
chercher les pompiers. Ensuite, il se dirigea vers la sonnette électrique
pour avertir les résidants du Collège. Au moment même où il sonna l'alarme,
une seconde explosion éclata. Le plancher sauta et les flammes sortirent.
S'il avait hésité quelques instants avant de se lancer à travers la
fumée, il y aurait probablement eu plus d'une cinquantaine de morts.
Pendant ce temps, le père Lord sortit pieds nus et en soutane jusqu'à
la station des pompiers située à quelques minutes du Collège.
Les pompiers reçurent l'appel vers 2 h 25. Leur tâche n'était pas facile
puisqu'à leur arrivée, le feu s'était propagé avec tellement de rapidité
que tout l'édifice était perdu sauf la cuisine - aujourd'hui, une partie
de la station de radio CKSB. En outre, pour aggraver la situation, les
pompiers rencontrèrent plusieurs difficultés. Leur camion avait subi
un accident la semaine avant l'incendie; les échelles et le filet de
sauvetage avaient alors été endommagés. Sur les lieux du sinistre, l'échelle
disponible n'était pas assez longue; le chef des pompiers, Thomas Gagnon,
dut faire appel à ses collègues de Norwood et de Winnipeg pour obtenir
des échelles qui pouvaient rejoindre le quatrième étage. Même la pression
d'eau n'était pas suffisante; l'eau n'atteignait que le deuxième étage.
Une prise d'eau était gelée. En bref, tout ce qui pouvait aller mal
alla mal!
Les résidants furent tirés de leur sommeil pour découvrir une fumée
épaisse qui les étouffait. Le Collège ne comptait que deux sorties de
secours situées à l'arrière de la bâtisse, une au dortoir des petits
(aile est) et l'autre au dortoir des moyens (aile ouest). Les universitaires
situés dans la partie centrale devaient emprunter l'une des deux sorties.
Par contre, les résidants des chambre privées (élèves et jésuites) sur
le côté nord, c'est-à-dire la façade, n'avaient pas d'escalier de secours.
Ils durent sortir par les fenêtres. L'évacuation de l'édifice aurait
pris environ trente minutes.
Il reste de nombreux témoignages de ce sinistre dans les journaux de
l'époque ou dans les archives.
[Herbert] Doyle sped up
a ladder to the topmost cornice of the northwest corner of the building
with flames shooting from every window, to rescue a young lad named
Legree who, surrounded by fire and smoke, stood between life and death
upon a space only a few feet square. Doyle secured Legree and started
down the ladder again. He had not progressed far when Legree fainted
and a convulsive movement of his body forced Doyle's hold to slacken,
Legree falling into the flames through a third-story window and Doyle
falling three stories to the ground, sustaining injuries to one hand
[...]
Source: « Heroic and Tragic Scenes Mark Fatal, Spectacular Blaze.
» Winnipeg Evening Tribune, 32 : 282 (25 novembre 1922)
: 1.
Les deux élèves Leo et Wilfrid Kush jettent un matelas: ce fut le
salut de plusieurs! Les PP. Bernier et Bellerose, aidés de quelques
grands, le grippèrent de leur mieux par les coins et reçurent ainsi
ces élèves. L'un d'eux disait plus tard à l'hôpital: «Ce matelas
d'en haut paraissait grand comme un dix sous, et dire qu'il fallait
y sauter!»
Source: « Incendie du Collège de St-Boniface » Nouvelles
de la Province du Canada 2 : 5 (janvier 1923) : 7.
Les chambres des surveillants étant inoccupées, seuls F. Stormont
et moi s'y trouvions après avoir essayé de descendre par l'escalier
du réfectoire. Je revins à ma chambre, jetai ma fenêtre en bas et attendis
les pompiers. Voyant qu'ils ne venaient pas, je saisis la dalle et descendis
en bas sans me faire aucun mal. J'aperçus alors ce pauvre F. Stormont
qui criait: "I can't get out of here, I can't get out of here." (d'autres
témoins disaient qu'on pouvait l'entendre dans tout Saint-Boniface)
[...] J'aperçus alors les pompiers qui arrivaient, je courus à leur
rencontre pour les faire entrer par la porte de la rue Aulneau: ils
entrèrent, mais au lieu de passer devant la maison, ils s'élancèrent
à toute vitesse derrière la maison. Je courus derrière, mais en voyant
l'horreur du spectacle, je compris que je n'avais encore rien soupçonné
de l'étendue du désastre. Il y avait plus de vies à sauver semblait-il,
je laissai faire les pompiers, sachant que le F. Stormont était moins
en danger que bon nombre d'enfants. Dix minutes après environ, on lui
monta une première échelle, elle se brisa en deux. On fut obligé d'en
requérir une seconde, on l'appuya sur la fenêtre du Frère: rien n'en
sortit. Nous avons su d'ailleurs plus tard que le Frère, sur le conseil
d'un Père de la maison, avait dû quitter sa chambre pour essayer de
se sauver par le corridor: il était mort en obéissant, mort au champ
d'honneur.
Source: Père Lucien Percheron. Lettre à un père
non-identifié. 1 décembre 1922 (Archives de la compagnie
de Jésus, BO-13, 17,6.2)
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