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L'historique du Collège
L'incendie (deuxième partie)
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Jean-Marie Loutrel

Je suis né en Saskatchewan. Marcel Dugas et mon père ont fait le Ouest Canadien en 1906-1907. C'est mon oncle Marcel Dugas et mon père qui ont été les premiers pionniers en 1906-1907, Saskatchewan et je suis né là-bas, dans un petit village nommé Meyronne.

On avait une ferme. Mon père a fait la guerre de '14, retenu en France et puis est retourné après au Canada et on avait des sécheresses 'des bads years'. On a tout abandonné et puis on a échoué à Winnipeg à l'Armée du Salut. On avait plus d'argent, on avait plus rien du tout. Et, mon père travaillait comme gardien de nuit et moi je vendais des journaux sans chaussures. On n'avait pas d'argent. Je faisais l'école mais je n'aimais pas beaucoup l'école, alors je me sauvais. Je pensais qu'à vendre des journaux. Comme j'étais l'aîné, nous étions cinq à ce moment là, mon père m'a mis au Collège de Saint-Boniface chez les Jésuites pour qu'ils me tiennent tranquille.

Un soir il a eu une représentation de théâtre [Ste. Catherine] dans le Collège et les parents étaient venus, tout ceux qu'ils pouvaient bien sûr, parce qu'il avait de la neige. Alors, moi, j'avais joué un petit rôle, quelque chose, je ne me rappelle plus ce que j'avais fait, sur la scène. Il avait des élèves qui avaient de petites choses.

On s'était couché un peu tard. Le dortoir était au quatrième et à un moment donné, je me souviens, là j'avais exactement 10 ans, je suis né en 1912, d'avoir senti un petit peu de fumée, j'ai senti vaguement une cloche ou une sonnerie. On dormait puis j'ai senti un peut de fumée et tout ça. Je suis resté couché.

A un moment donné, il y avait tellement de fumée que je suffoquait, alors je me suis mis sous les couvertures. Mais je me suis platiner, je me suis mis en courbe, je me suis ramassé comme une balle sous les couvertures. J'ai peur, j'avais la fumée, j'étouffais. Je suis resté comme ça.

A un moment donné, 20 minutes après, je me suis senti pris avec les couvertures - tout. Pris comme un paquet. On me prenais dans les bras, quelqu'un me prenais dans les bras et il me mettait sur le côté du 'fire escape'. C'était une colonne de fer avec des plates-formes à chaque étage. Il me mettait là, je regardais c'était un grand garçon qui avait 17-18 ans, après j'ai cru, on me dit que c'était un nommé Roy qui m'avait sauvé. Il me met là-dessus sur la plaque, instinctivement j'attrape la barre parce que de temps en temps on faisait des exercices de 'fire escape'. Des Jésuites, quelque fois, ils nous faisaient voir comment il faut faire. Quelque fois pendant la classe on sortait de l'école, de classe et on faisait l'exercice comme s'il y avait le feu. Alors, je savais ce que ça voulait dire 'fire escape'. J'ai attrapé la barre et j'ai glissé, avec mes couvertures et j'ai glissé jusqu'en bas.

Là il y avait de la neige et des religieuses, il y avait beaucoup de religieuses, beaucoup d'animation. Il y avait des gens qui étaient là debout dans la neige qui regardait les flammes tout ça, portaient des secours. Il faisait nuit, j'avais froid, je me rappelle de tout ça comme ça, je ne peut pas dire avec précision. Des gens qui étaient là, des cris...

Moi, j'ai pas pu, au dernier moment aller jusqu'en bas avec le 'fire escape'. Ils m'ont crié "Sautez, sautez, sautez, sautez, jump, jump, sautez, sautez!" Alors, j'ai sauté et j'ai atterri sur un matelas qui était tenu par des gens. Je n'ai pas pu aller jusqu'en bas parce que la barre était tellement chaude. Je ne pouvais plus moi. J'ai sauté dans la nuit comme ça, et je suis tombé sur un matelas. J'étais pris dans les bras et on m'a soulevé un peu de la neige. J'étais en pyjamas et pieds-nus. Je n'avais rien sur la tête.

Quand il a eu la sonnerie, tous les gens ont sorti et ils ont été du côté du 'fire escape', ils ont descendu les escaliers. Ils ne sont pas restés comme mois j'ai resté. A un moment donné, je crois que c'est le père Couture [Lacouture], je ne me rappelle plus, qui avait fait le rappelle en bas. Ils ont vu qu'il manquait neuf collégien. Alors, il a eu des volontaires pour remonter par les escaliers jusqu'au quatrième chercher les jeunes qui manquaient.

A un moment donné, je me suis senti prendre. Ils ont remonté dans la fumée dans le tenton dans le dortoir probablement ils ont été vers les lits. Ils ont touché avec la main et on vu une grosse bosse et c'était moi qui était sous la couverture. Peut-être qu'ils en avaient sauvé d'autres. S'il n'avait pas eu de volontaire, je serais resté là-haut. Ça faisait une demi-heure, presque tout le monde était en bas, tous les élèves sauf neuf.

Quand je suis arrivé en bas, il avait un monsieur qui venait chercher son fils qui s'était lui aussi sauvé du feu. Une religieuse lui dit: "Tenez, il a un petit. Ces parents ne sont pas là. Voulez-vous le prendre comme vous retournez à Winnipeg avec votre fils. Prenez celui-là et portez-le chez lui." Alors, il m'a pris dans ses bras, j'était tout petit, il m'a guidé jusqu'à une couverture de cheval, un buggy.

On est monté là-dedans. On avait des couvertures pour moi et son fils, le red-head. On avait froid dans la voiture. Mon Dieu qu'on avait froid! Il a été d'abord chez moi. J'ai donné l'adresse. On habitait 300 ou 360 Maryland Street. Il a monté les marches et a frapper à la porte. Personne n'a répondu. Personne n'a répondu. Comme le petit garçon, son fils et moi, on avait froid dans la voiture. Vite il remonte dans la voiture et il m'amène chez lui.

Il me garde dans la maison pendant 2-3 jours. Après j'ai su l'histoire. Cette nuit là, au même moment que j'étais sauvé, ma mère accouchait mon dernier frère. Le 25 novembre 1922, ma mère risquait de perdre son aîné et en même temps mettre au monde son bébé. Il avait dans la maison, probablement beaucoup d'émotions, ils n'ont pas entendu le monsieur frapper à la porte et n'ont pas répondu. Le lendemain, mon père a vu dans le journal l'incendie du Collège, il a pas dit à maman qu'il avait un incendie. Maman était couché avec le fils dans les bras, mon frère Gaston. Pour ne faire émotion à Maman. Au bout de trois jours seulement, qu'il m'a ramené à la maison.

Après l'incendie, tous les élèves ont été dans les cendres pour récupérer toutes les briques du Collège. On les a mis de côté. On a fait ça pendant des semaines et des semaines. On cherchait dans les décombres tout ce qui pouvait être utilisé pour reconstruire le Collège.

Une rumeur qui a été assez persistante d'ailleurs. Quand on avait fait la fête sur scène, peut-être il avait eu des chandelles, des cierges qui ont causé le feu.

L'incendie du Collège est une croix sur ma vie. Je m'en souviendrai toujours!

Source : Jean-Marie Loutrel. Entrevue par téléphone avec Carole Barnabé. 11 septembre 1997.

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