Le fait français en Ontario, suite

3. Les Ontariens francophones

Si l'on définit le terme francophone comme « qui parle communément le français dans certaines circonstances de la communication » (c'est la définition adoptée par le dictionnaire Robert qui précise qu'on peut le parler comme une langue maternelle ou comme une langue seconde), il est clair que l'ensemble des Ontariens francophones constitue un groupe à la fois plus nombreux et linguistiquement plus hétérogène que l'ensemble des Ontariens de langue maternelle française. Contrairement aux deux ensembles d'Ontariens discutés plus haut, les statistiques du recensement ne nous fournissent que des indications partielles sur la taille de ce groupe. Ceci est dû au fait que le recensement ne pose qu'une seule question sur le comportement communicatif des Canadiens, à savoir celle qui porte sur l'usage linguistique au foyer (quelle langue le/la répondant(e) emploie le plus souvent à la maison ?). Ceci dit, il pose aussi une question sur la connaissance du français et de l'anglais (le/la répondant(e) a-t-il/elle la capacité de tenir une conversation en anglais et/ou en français ?), qui nous permet de cerner l'ensemble plus large des individus qui ont la capacité de parler en français dans différentes situations (pas seulement à la maison).

En ce qui concerne l'usage linguistique au foyer, le recensement indique que la quasi-totalité des Ontariens qui déclarent employer le français en ce lieu sont des individus de langue maternelle française et que seulement 61 pour cent d'entre eux, en fait, communiquent en français au foyer (318 240 individus sur 522 400 en 1991). Nous reviendrons sur ces statistiques. Les données sur l'usage linguistique au foyer ne nous donnent donc qu'une image partielle de la francophonie ontarienne. Quant aux statistiques sur la capacité de converser en français, elles révèlent que presque tous les Ontariens de langue maternelle française (499 930 sur 522 400) déclarent pouvoir converser en français - les autres ne peuvent que comprendre le français (condition minimale pour déclarer le français comme langue maternelle, cf. plus haut). On peut donc inclure ce demi-million d'Ontariens dans l'ensemble de la francophonie ontarienne potentielle. On peut ajouter à ce groupe  : i) les 555 710 Ontariens de langue maternelle anglaise (7,5 pour cent de l'ensemble des Ontariens de langue maternelle anglaise) qui ont la même capacité et qui peuvent donc concurrencer les Ontariens de langue maternelle française sur le marché des emplois requérant le bilinguisme ; et ii) les 127 650 Ontariens ayant une autre langue maternelle (6,7 pour cent des Ontariens de langue maternelle autre) qui possèdent aussi cette capacité et qui constituent également des concurrents potentiels des Ontariens de langue maternelle française sur le marché du travail. En tout, donc, la francophonie ontarienne potentielle s'élève à 1 183 290 individus (ensemble au sein duquel les individus de langue maternelle française sont minoritaires).

Quant aux Ontariens ayant une autre langue maternelle que l'anglais ou le français, il y a peu de variation d'un groupe linguistique à l'autre dans la proportion des répondant(e)s qui ont la capacité de converser en français. À ce sujet, il est étonnant de constater qu'à l'exception des Ontariens de langue roumaine (dont 23,3 pour cent peuvent converser en français), les locuteurs des langues romanes (langues génétiquement proches du français) ne se distinguent pas par des taux de capacité de converser en français supérieurs à ceux des Ontariens de langue maternelle anglaise. Cette constatation vaut aussi pour trois groupes réputés francophones (les Ontariens de langue maternelle vietnamienne, les Ontariens de langue maternelle khmère et les Ontariens de langue maternelle laotienne). En fait, seuls trois autres groupes se distinguent par des taux de connaissance du français oral supérieurs à la moyenne  : les Ontariens de langue maternelle arménienne (21,9 pour cent), les Ontariens de langue maternelle arabe (22,6 pour cent) et les Ontariens qui déclarent un créole comme langue maternelle (69,4 pour cent). Comme Statistique Canada dans sa ventilation des données ne différencie pas les créoles anglais des créoles français (pour s'en tenir aux plus communs), ce dernier pourcentage est difficile à interpréter. Son caractère élevé est peut-être dû à la présence d'un contingent de plus de 1 000 Haïtiens en Ontario (en 1991), Haïti étant un pays des Caraïbes où le créole est particulièrement vivace et répandu.

Tiré de Raymond Mougeon, « Perspective sociolinguistique sur le comportement langagier de la communauté franco-ontarienne », Jacques Cotnam, Yves Frenette et Agnès Whitfield, (sous la dir.), La francophonie ontarienne. Bilan et perspectives de recherche, Ottawa, Le Nordir, 1995, p. 224-225.

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