Les jumelles Dionne
La charité des anglophones
D'autres parmi la population canadienne-française
soutenaient que les quintuplées avaient pu survivre seulement
grâce aux anglophones et aux protestants, insinuant par là
que la société canadienne-française n'avait ni
l'intérêt ni les capacités d'en faire autant. Dans
une entrevue accordée en 1935, Henri Marceau, député
provincial de Nippissing alla même plus loin. Après avoir
prétendu qu'avec les 75 $ par mois reçus du gouvernement
la famille gagnait plus que l'année précédente,
il poursuivait :
Que les sociétés soi-disant
patriotiques et certains messieurs se mêlent de leurs affaires !
Que les catholiques du Québec ne se préoccupent pas des
intérêts des jumelles Dionne, surtout en y apportant des
préjugés de race et de langue. Qui a fait le plus pour
les bébés alors que ceux-ci avaient besoin de la charité ?
C'est la Croix Rouge ontarienne et des hôpitaux protestants. Et
depuis, ces associations « patriotiques » et « catholiques »
ont-elles fait quelque chose pour les Dionne, ont-elles fait des dons
comme de grandes maisons d'affaires anglaises ? Non !…
Il s'agit de l'une des attaques les plus
virulentes d'un Canadien français contre les membres de sa propre
communauté. Même si elle n'était pas courante, cette
attitude représentait néanmoins une certaine mentalité
«du colonisé » qui avait cours au Canada à l'époque.
Elle traduisait la conviction que seuls l'argent, l'autorité,
la générosité et les capacités supérieures
des anglophones permettaient à la population canadienne-française
de s'en sortir. La contribution des membres de la communauté
francophone ou de la famille Dionne elle-même était jugée
secondaire par rapport au rôle des anglophones, en particulier
les membres de la profession médicale comme le docteur Dafoe.
Tiré de David Welch, « Les
jumelles Dionne : cinq petites Franco-Ontariennes dans un contexte
d'exclusion sociale », Monique Hébert, Natalie Kernoal,
Phyllis Leblanc (sous la dir.), Entre le quotidien et le politique :
Facettes de l'histoire des femmes francophones en milieu minoritaire,
Ottawa, Le réseau national d'action femmes, 1997. Traduction,
Denise Veilleux.

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