Les jumelles Dionne

Une éducation en français

En général, la famille Dionne et les diverses associations franco-ontariennes pensaient que les quintuplées devraient d'abord apprendre le français pour avoir une formation solide dans leur langue maternelle. Après quelques années, elles pourraient étudier l'anglais avec leurs autres cours. L'ACFÉO soutenait la famille Dionne qui souhaitait conserver Mademoiselle Vézina dont le contrat paraissait ne pas devoir être renouvelé à l'été de 1941. Un certain docteur Amos, inspecteur d'école unilingue anglophone vivant à Toronto, l'avait jugée incompétente pour enseigner l'anglais en raison d'un léger accent. Le débat portait sur le fait que des gens comme le docteur Amos voulaient choisir qui enseignerait aux quintuplées, même contre l'avis des parents. Comme le signalait Henri Saint-Jacques à Harry Nixon, secrétaire de la province, la pouponnière était en fait une école privée. Par conséquent, toute décision d'embauche revenait aux parents et au directeur de l'éducation bilingue, Robért Gauthier, et non à un inspecteur d'école unilingue. Cette question était particulièrement délicate à une époque où la population franco-ontarienne commençait à peine à retrouver un certain contrôle sur l'éducation de ses enfants. Il s'agissait moins d'un cas d'entêtement de la part d'Oliva Dionne et de l'ACFÉO, comme le laisse entendre Pierre Berton, que du désir d'une famille et d'une communauté culturelle d'exercer leurs droits en matière d'éducation, c'est-à-dire déterminer quand et dans quelle mesure on enseignerait à leurs enfants le français et l'anglais.

Les anglophones voyaient les choses autrement. Certaines personnes pensaient que l'Ontario étant une province où l'anglais prédominait, les quintuplées devraient refléter la réalité de la majorité, donc apprendre cette langue dès l'enfance. L'idée que les quintuplées étaient franco-ontariennes et avaient une autre langue maternelle ne venait pas à l'esprit de beaucoup de gens. D'autres personnes, qui avaient un intérêt financier, allaient encore plus loin. Elles pensaient que pour captiver l'imagination des anglophones du Canada et des États-Unis, les quintuplées devaient parler anglais et paraître américaines, surtout dans leurs films :

[...] si elles jouent dans un film et ne peuvent parler anglais et se comporter comme les Américains s'attendent à voir agir des enfants de quatre ans ... le public perdra intérêt à tel point que ceci pourrait nuire à leur capacité de gagner de l'argent.

Tiré de David Welch, « Les jumelles Dionne : cinq petites Franco-Ontariennes dans un contexte d'exclusion sociale », Monique Hébert, Natalie Kernoal, Phyllis Leblanc (sous la dir.), Entre le quotidien et le politique : Facettes de l'histoire des femmes francophones en milieu minoritaire, Ottawa, Le réseau national d'action femmes, 1997. Traduction, Denise Veilleux.

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