Ouest-Nord-Ouest

Alexandre-Antonin Taché
(1823-1894)

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Alexandre-Antonin Taché, évêque de Saint-Boniface durant la deuxième moitié du 19e siècle, est l’un des principaux artisans de l’établissement des francophones dans l’Ouest. Il contribue directement à la définition de deux institutions fondamentales, l’Église et l’école. Taché est en effet à la barre de l’Église catholique de l’Ouest alors que de grandes crises secouent la région et le pays : la résistance métisse de 1869-1870 et la révolte de 1885, et les luttes scolaires des années 1890.

Né d’un père marchand et d’une mère aristocrate, Taché fait partie d’une famille typique de la bourgeoisie du début du 19e siècle. Après des études au Séminaire de Saint-Hyacinthe et au Grand Séminaire de Montréal, il entre chez les Oblats de Marie Immaculée en 1844, se rend à la Rivière-Rouge en 1845 et y est ordonné prêtre la même année par l’évêque de Saint-Boniface, Joseph-Norbert Provencher. Doué, le jeune ecclésiastique apprend plusieurs langues amérindiennes et connaît du succès dans son travail missionnaire, particulièrement à l’Île-à-la-Crosse et au Lac Caribou (Reindeer Lake). En 1850, Taché devient le coadjuteur (adjoint) de Mgr Provencher, qui le charge des missions amérindiennes, dont il accroît considérablement le nombre.

À la mort de Mgr Provencher en 1853, Taché devient évêque du diocèse de Saint-Boniface. En 1857, il confie les missions à Vital Grandin, dont il fait son coadjuteur, et concentre ses efforts sur la population métisse et blanche de la Rivière-Rouge et des environs. Entendant développer l'Église catholique de l'Ouest sur le modèle québécois, il veut aussi inculquer la culture canadienne-française aux Métis. L’accroissement rapide de la population catholique l’amène à augmenter considérablement le nombre de paroisses : de 15 en 1870 elles passent à 40 en 1894.

Mgr Taché écrit abondamment pour les fins de son ministère mais aussi pour faire la promotion de l’Ouest auprès des catholiques francophes d'Europe et du Canada. Ses Vingt années de mission dans le Nord-Ouest de l’Amérique (1866) et son Esquisse sur le Nord-Ouest de l’Amérique (1869) demeurent des ouvrages de première importance pour qui veut comprendre cette époque pionnière.

Lorsqu’éclate la rébellion de la Rivière-Rouge en 1869, Taché est à Rome. Il revient au Canada pour jouer le rôle d’intermédiaire entre le gouvernement canadien et le gouvernement provisoire métis. La promesse d’amnistie qu’il fait aux chefs de la révolte au nom du gouvernement canadien permet d’éviter un affrontement encore plus sérieux. Taché conseille Louis Riel, lance des appels au calme et joue le rôle de pacificateur, tout en profitant de l'occasion pour accroître l’influence de l’Église. Taché ne peut cependant que condamner la révolte armée, malgré sa sympathie pour la population métisse et ses revendications. Pour lui, en effet, la loi doit être respectée ; or, selon la loi, les Territoires du Nord-Ouest sont la propriété du gouvernement canadien. De surcroît, Taché a des réticences à l'égard de Louis Riel en raison des idées religieuses de ce dernier et de son comportement envers le clergé.

Tout au long de son épiscopat, Taché travaille à faire croître la population de langue française dans l’Ouest. La raison en est simple, comme il l’écrit en 1872 : « Le nombre va nous faire défaut et, comme dans notre système constitutionnel, les nombres sont la force, nous allons nous trouver à la merci de ceux qui ne nous aiment pas. » Pour réaliser ses projets d’expansion démographique, Taché multiplie ses démarches. Il obtient l’appui timide des évêques du Québec et participe à la fondation de la Société de colonisation du Manitoba (1874). Il envoie des missionnaires-colonisateurs faire du recrutement au Québec et dans les communautés canadiennes-françaises de la Nouvelle-Angleterre et encourage les clercs européens à recruter des colons en France, en Belgique et en Suisse. Enfin, il favorise la sédentarisation de la population métisse. Si ses efforts connaissent un certain succès, ils ne suffisent pas à maintenir la place des francophones dans l’Ouest.

L'instauration du système scolaire manitobain et, plus tard, de celui des Territoires du Nord-Ouest font partie des grandes préoccupations de Mgr Taché. Visant la formation d’une élite intellectuelle et politique catholique, il veut pour les catholiques une instruction comparable à celle des protestants. En 1870, lors de la création du Manitoba, il obtient ainsi la mise en place de la dualité scolaire au moyen de deux réseaux d’écoles publiques, l’un catholique, l’autre protestant. En 1890, le gouvernement manitobain abolit le double système et Taché consacre une bonne partie des quatre dernières années de sa vie à sa restauration. On peut d'ailleurs dire que Mgr Taché est en partie responsable de ce que le Manitoba français accorde alors la priorité à la restauration des écoles catholiques et se préoccupe bien peu de l’abolition du français comme langue officielle de la province.

1818 - Implantation de l’église catholique dans l’Ouest (Ouest)

1869-1870 - Soulèvement métis et création de la province du Manitoba (Ouest)

1875 - Création des Territoires du Nord-Ouest (Ouest)

1885 - Rébellion du Nord-Ouest (Ouest)

1890 - Lois manitobaines sur les langues officielles et les écoles (Ouest)

Joseph-Norbert Provencher (1787-1853) (Ouest)

Louis Riel (1844-1885) (Ouest)